La crise sanitaire sert de révélateur à de nombreux phénomènes sociaux.
L’organisation de nos entreprises voit se révéler d’une manière cruciale la question du transfert et du développement des compétences. Dans une situation de mutation technologique rapide, ou l’obsolescence des compétences s’accélère de jour en jour, la souplesse et l’agilité à se réorganiser en permanence doit être une préoccupation d’une entreprise qui veut durer.
Bien souvent, les plus expérimentés partent emportant leur expérience sans avoir pu la léguer aux plus jeunes ou la partager avec le collectif de travail faute de captation. Les fluctuations du marché font du salariat une variable d’ajustement qui condamne les entreprises à se défaire de compétences qu’elles ont contribué développer.
Suivre les mouvements de ces changements, suppose d’être capable de capturer les compétences et les transférer rapidement d’un secteur à l’autre, d’une personne à une autre.
L’expérience montre que les entreprises qui ont su développer des démarches apprenantes traversent mieux la crise que les autres. Elles ont vu leur chiffre d’affaires peu baisser et parfois même elles voient leur activité se développer dans des secteurs nouveaux pour elles.
Les entreprises qui ont su développer des démarches apprenantes ont su montrer une capacité à effectuer rapidement et à moindre coût les transferts et déplacements d’activités et de compétences

Il est important d’accompagner le transfert de compétences
Pour transférer les compétences d’une entité à une autre ou d’un sous-traitant à un autre, il ne suffit pas de déplacer des machines et leurs consignes. La compétence n’existe pas en dehors du contexte qui la rend réelle.
Donc, même si on transfère une activité à une personne qui a les capacités potentielles de la réaliser, il y a forcément un temps de latence, un temps d’adaptation pour que la capacité de la personne devienne une compétence à réaliser la tâche transférée.
Ce temps de latence peut être plus ou moins long, le transfert peut être plus ou moins réussi suivant qu’on prend ou non le temps d’accompagner ce transfert de compétences.
L’utilisateur premier est le plus expert pour rendre compétent l’utilisateur final

Qui, plus que celui qui connait l’activité, est à même d’accompagner le transfert de cette compétence ?
Il est sans doute nécessaire de faire appel à de la formation pour initier une personne à une activité nouvelle. Mais en contexte de travail, c’est l’activité professionnelle qui va être le terreau du développement des compétences. C’est donc en facilitant les démarches d’accompagnement et la coopération horizontale entre les acteurs que l’on va favoriser le transfert des compétences.
Il peut être utile et efficace de chercher à rendre les opérationnels expérimentés et les managers de terrain capables d’être des accompagnants utiles pour les utilisateurs destinataires.
Comment développer les compétences des opérationnels et du management intermédiaire dans l’accompagnement du transfert ?
Il peut être utile et efficace de chercher à rendre les opérationnels expérimentés et les managers de terrain capables d’être des accompagnants utiles pour les utilisateurs destinataires.
C’est en favorisant les échanges entre professionnels qu’on pourra faciliter le transfert des compétences. Il existe pour cela de nombreuses pratiques ou méthodes :
- Les outils de l’amélioration en continu tels que le TWI peuvent structurer et organiser d’une manière pragmatique et efficace ce transfert. Ils peuvent servir de guide pour une élaboration pragmatiques des consignes et ils peuvent aussi servir à l’utilisateur d’origine de ressource de questionnement pour accompagner l’utilisateur final.
- Les processus d’analyse de l’activité permettent d’organiser d’une manière fructueuse les échanges entre les personnes expérimentés et les apprenants. Elles sont tout aussi apprenantes pour ceux qui communiquent leur savoir-faire que pour ceux qui l’acquièrent.
- L’écriture et le partage à grande échelle des savoirs d’expérience, en complément de ces méthodes, comme dans l’application Tuttis qui permet une réflexion individuelle et collective entre pairs sur la pratique sans contrainte de lieu ni de temps.
Ces pratiques s’intègrent facilement dans les démarches d’organisation apprenante. Elles servent les échanges apprenants en les organisant par des méthodes.
Développer ces démarches apprenantes, c’est donner à son entreprise l’opportunité de transférer les compétences, mais aussi de les partager avec tous.
Au-delà de ces aspects d’échanges interindividuels, ces démarches permettent aussi à l’organisation de produire des compétences nouvelles au travers de toutes les expériences individuelles et collectives, toutes les tentatives d’ajustement et d’adaptation que chacun est amené à faire au quotidien dans son travail. Ces tentatives d’ajustement et d’adaptation qui nourrissent l’expérience individuelle, mais qui sont souvent peu réinvesties par les collectifs de travail.
Si « un vieux qui meure, c’est une bibliothèque qui brule » comme dit le proverbe africain, un salarié qui part, c’est une caisse à outil qui disparait.
Capturer les savoir-faire d’expérience par un accompagnement est le seul moyen de les capitaliser pour les réinvestir dans le travail.
5 ÉTAPES POUR METTRE EN ŒUVRE
UNE STRATÉGIE D’APPRENANCE
Il faut pour cela mettre en œuvre une stratégie d’apprenance en cinq étapes :
- Aider au repérage des compétences cruciales, les plus « à risque »
- Aider à l’explicitation des gestes professionnels
- Élaborer une ingénierie pédagogique des apprentissages à transmettre
- Définir des contextes de travail apprenants
- Définir des modes d’évaluation des acquis transférés.
Au-delà de l’acquisition d’outils et à la mise en place de stratégies d’apprenance
c’est à une re-conception du travailler ensemble que les dirigeants sont invités.
Ces nouvelles conceptions du travail et de la manière de produire ensemble dans un monde complexe peuvent contribuer à entretenir la santé professionnelle des salariés et maintenir constante l’adaptabilité et la profitabilité de son entreprise.
Denis Bismuth et Stéphane Roquet pour ISOKAN FORMATION
Anaïs Dattner et Stephan Dattner pour TUTTIS