La communauté de pratique
Autour de toute pratique (qu’il s’agisse de celle des plombiers, des ingénieurs ou des infirmiers) se constitue une communauté qui partage entre autres des savoirs et des connaissances (Etienne Wenger a théorisé ce concept sous le nom de communauté de pratique).
La pratique c’est le faire mais pas seulement, c’est également la façon de faire avec toutes les règles explicites ou implicites et c’est enfin l’engagement de faire dans un cadre social et avec une finalité précise.
Réfléchir à sa pratique, chercher à l’améliorer c’est réfléchir à sa finalité et c’est donc continuellement en comprendre et en construire le sens.
Toute communauté de pratique, et par exemple la communauté de pratique des soins infirmiers, joue sur la nécessité de s’appuyer d’une part sur des protocoles (du service, de l’hôpital, de la HAS…), sur des règles (d’hygiène, de sécurité…)… et d’autre part sur la nécessité de s’approprier le sens profond de ce cadre pour le décliner dans la réalité de l’hôpital, du service ou de la situation toujours unique à laquelle est confronté l’infirmier. Il s’agit de pallier les imprécisions, les blocages, les malentendus, de s’adapter au patient, aux moyens et à l’environnement…
La pratique, et donc la communauté de pratique avec elle, se réinventent constamment pour coller à l’évolution de l’environnement. Toujours en émergence, à la fois malléable et constante, la communauté de pratique entretient son adaptabilité à l’environnement grâce à l’apprentissage et à l’arrivée de nouveaux venus.
« Les communautés de pratique sont souvent comparées à des équipes de travail, mais un certain nombre d’éléments les distinguent. Ainsi, les communautés n’ont habituellement pas de résultats précis à livrer à l’organisation, contrairement aux équipes. De même, les membres d’une communauté sont unis par la connaissance qu’ils partagent et développent ensemble alors que ceux d’une équipe sont liés par l’objectif spécifique recherché (fabriquer un produit, améliorer un processus, etc.). Sur le plan du fonctionnement, les communautés ont rarement un plan de travail défini, contrairement aux équipes. Une fois leurs objectifs atteints, les équipes devraient normalement se dissoudre, alors qu’en principe (car nous avons constaté que les distinctions ne sont pas toujours si fortes dans la réalité), les communautés de pratique sont créées pour durer, devant continuer à développer des connaissances et des savoirs sur de nombreuses années. » (Valéry Psyché et Diane-Gabrielle Tremblay, « Étude du processus de participation à une recherche partenariale », SociologieS, Dossiers, Les partenariats de recherche, URL : http://journals.openedition.org/sociologies/3681
L’engagement
Une communauté n’est ni un groupe, ni un réseau. En être membre ne signifie pas que l’on fasse allégeance, que l’on ait un droit ou une préséance quelconque ou que l’on doive être à proximité.
L’engagement dans une communauté doit être dynamique et libre, il se fonde sur les compétences de chacun sans pour autant exiger ni l’homogénéité, ni l’harmonie.
C’est l’engagement dans une pratique partagée qui lie les participants d’une communauté entre eux.
L’entreprise commune
L’entreprise commune (ici la pratique des soins infirmiers) instaure un régime de responsabilité de ses participants et assure une cohérence interne qui donne une force à la communauté de pratique.
Le répertoire partagé
Ce répertoire est constitué du jargon, des routines, des rituels, des procédures… qui sont parties intégrantes de la pratique. Il reflète un engagement mutuel passé.
La communauté de pratique des soins infirmiers
Que l’on soit infirmier à domicile, infirmier dans un EHPAD, un centre de soins, un hôpital, une école ou une entreprise…, la fonction d’un infirmier renvoie en premier lieu aux textes de lois, aux référentiels qui encadrent la profession d’infirmier, à tous les ouvrages de référence des soins infirmiers, au rôle important de la HAS… Par ailleurs, dans chacun des établissements hospitaliers des fiches techniques, des protocoles existent et sont autant de règles et de procédures à suivre et respecter. Enfin, il faudrait sans doute également inclure les documents concernant les soins infirmiers créés par les entreprises publiques ou privées du secteur sanitaire, les IFSI, les organismes de formation…
Le pendant c’est la participation et la communauté infirmière n’est pas indifférente mais au contraire très impliquée dans son métier. Les infirmières font des conférences, participent à des salons, à des blogs ou des pages facebook, participent aux transferts de connaissance d’un établissement à l’autre.
L’engagement dans la communauté de pratique est clair et un infirmier se désintéressant des soins infirmiers est difficilement imaginable.
Si la prise en charge des patients, l’écoute, l’accompagnement sont des finalités évoquées par tous les infirmiers, l’évolution du métier, la montée en puissance d’un modèle centré sur le parcours de la personne malade sont au cœur des réflexions sur l’évolution du métier infirmier et des études infirmières.
L’échange des savoirs d’expérience
C’est le sentiment de l’existence d’une forte communauté de pratique des soins infirmiers qui nous a incités à proposer une plateforme telle que Tuttis.
Tout ce qui concerne les règles, les procédures… est déjà largement couvert par ce que propose Internet, les Intranets des établissements de santé… C’est plutôt dans le domaine des savoirs d’expérience que cela parait compliqué et moins accessible.
Comment se confronter efficacement à la réalité, comment réagir face à une situation qui n’était pas anticipée ? Comment aider une infirmière isolée dans sa pratique ?
En réfléchissant, en prenant du recul, en partageant les questions que l’on se pose, en écoutant, en examinant l’approche des autres. En s’appuyant sur la communauté de pratique des soins infirmiers.
En dotant cette communauté d’un outil centré exclusivement sur la pratique des soins infirmiers, un outil réservé aux professionnels. En imaginant une application dont l’ergonomie permet d’aller au fond d’une situation, de mieux comprendre l’écart qui s’est joué entre le prescrit et le réel.
À la différence d’un forum qui interdit de prendre en compte la complexité d’une situation, le choix a été d’imaginer une interface nouvelle qui facilite la description d’une situation afin de se centrer sur l’échange d’un savoir issu de l’expérience de la pratique.
« Ces savoirs se puisent à diverses sources. Ils sont d’abord détenus par certaines infirmières de carrière dont l’expérience très riche en fait des références vivantes. Qui n’a pas connu de ces soignantes d’une habileté magnifique, dont la main agit d’une manière si adroite, si juste et si rapide qu’elles sont reconnues partout dans leur milieu ? Qui n’a pas vu l’une de ces soignantes tourner un pansement avec aisance ou calmer une personne agressive d’une parole ou d’un geste approprié ? Que font-elles ? Comment le font-elles ? Souvent, elles ne peuvent elles-mêmes expliquer l’impact de leurs interventions. Leur savoir pratique est si assimilé à leur activité intellectuelle et à leurs processus affectifs qu’elles agissent avec une grande facilité, de manière intuitive, que l’on pourrait presque croire automatique. Le foisonnement des dimensions logiques, pragmatiques, organisationnelles, techniques, mais aussi affectives de ces savoirs d’expérience est si important et si bien intégré qu’il les rend difficiles à décrire et parfois aussi à transmettre. Ces savoirs sont le fruit à la fois, de longs moments d’application, de réflexion, de laisser place à l’intuition et au jugement sur l’action, de rectification de la précision du geste et de la prise de décision. Ils reposent sur une base théorique reconnue, mais s’enrichissent avec le temps, au fil des situations rencontrées et se forgent dans la fatigue, la difficulté du service et parfois même dans la douleur. Ils tiennent à la fois de la tête, de la main et du cœur. »
Margot Phaneuf, Décembre 2011- Infiressources